02 février 2017

La forêt


La forêt s'arrête presque au pied du château. Sur les murs de pierre, sur la tour carré, l'ombre des cimes s'y pose alors que la fin du jour approche. Ce n'est rien. La nuit qui vient ne dure, la nuit ne perce, ici, rien ne s’éteint. De l'autre côté, quelques dizaines de mètres plus loin, quelques dizaines d'éternité. La nature. L'obscurité que rien ne raisonne, s'est affaissée contre la porte. Le poids d'une simple présence, une poussée qui traverse les chairs sans les affecter et écrase pourtant de l'intérieur.
Il a fallu s'établir plus solidement. Il a fallu peupler, éclairer. Mettre de l'espace. Remplir l'espace. Ne pas voir plus loin que l'horizon. Mais savoir.
La langue que comprendrait cette nuit sans lune, elle doit sûrement se crier. Et la gorge n'est qu'une écorce. Et cette mousse plein les poumons. La peur remplit les veines de sève quand on n'a plus assez de terre sous les ongles. Même l'arbre le plus sensé, la nuit, se tait.
Maintenant, qu'il soit minuit, ou vingt et une heures, ou quatre, qu'importe. Il n'y a plus de chemin, plus d'étoiles à suivre. Que des troncs butés, des bruits insensés. Le temps de renoncer.
La forêt était immense. Sa frontière masquait, sa frontière occupait les esprits.
Mais ce n'était rien comparé aux racines qu'elle irradiait pour nous broyer le cœur.