22 janvier 2013

Le slip était fourré


Ce texte est une réponse à la participation de DOM pour le blog amillemains.

Mme Faubnas, je me permets de vous écrire car j’occupe actuellement le poste de documentaliste stagiaire au sein de la section d’informatisation de la gestion des dossiers liés aux affaires classées. Mon attention a été éveillée lorsque j’ai numérisé la photo du cou de la victime. Je me suis permis, hors de mes heures de travail, de vérifier certaines hypothèse qui me semblaient troublantes.
- le simple frottement d’un coquillage imbibé de curare n’aurait pas suffit a tuer la victime.
- j’ai reconnu, par hasard, l’inconnu qui tient la hanche de la victime : c’est un scientifique qui a récemment publié une découverte sur le mode de fixation du gecko, M. Kellar Autumn, du Gecko Lab de l’université de Kiel.
Je vous passe les détails techniques que vous pourrez retrouver sur ce site :
http://sciencetonnante.wordpress.com/2012/12/10/comment-le-gecko-fait-il-pour-grimper-aux-murs/
Bref, tout porte à croire que les restes de curare trouvés dans le coquillage cauri (Cypraea moneta) provenaient en fait de l’étoffe de la veste de Laurence F. Étoffe dont le tissu possède la même particularité de finesse moléculaire que les spatulea du fameux gecko. Et c’est sans aucun doute le vrai vecteur du curare.
Mlle F. avait découvert que le labo du professeur Autumn, sous couvert d’innocentes recherche liées aux adhésifs, était en fait en relation étroite avec la section militaire de son gouvernement.
Et que faisait-elle dans cette galère ?
Vous n’avez pas pu passer à côté de tous ces indices. J’ai donc cru au début que vous étiez de mèche avec son réseau d’espionnage international et que vous aviez sabotés une deuxième fois l’enquête pour leur compte. Oui, les présomptions que Mlle F. soit une barbouze sont bien trop flagrantes. Mais maintenant, je m’inquiète pour votre santé. La fatigue que vous ressentez est un des premiers symptôme de l'empoisonnement.
C’est donc comme ça qu’ils vous tiennent : l’antidote contre votre silence.
Mais vous n’êtes plus seule. Je vais relayer l’information sur un maximum de blogs et réseau sociaux.
La seule option de nos ennemis seraient qu’ils fassent passer tout ceci pour de la fiction.
Mais le monde saura que l’industrie textile est manipulée par les forces réactionnaires voulant prendre le contrôle global sur nos vies !
Ils ne nous aurons pas !
Tiens …?
Mon slip me démange horriblement l’entre-jambes.
Serait-ce une de leurs…
Non !

14 janvier 2013

Tuiles, avanies et tutti quanti

photo de Sacrip’Anne pour le blog à 1000mains
   Je n'ai jamais voulu ce qui m'est arrivée. Ma vie me comble parfaitement. Mon travail de bureau est exactement celui dont je rêvais enfant. Mon mari, bien qu'il soit, d'après les souvenirs que j'ai de notre rencontre, légèrement moins glabre qu'avant, surtout le week-end, n'est pour moi qu'une source jaillissante de satisfaction. Alors, il ferait beau me dire où et quand on m’aurait vue prise en fragrant délit de défaut ?
Je n’ai pas honte de le dire. Ma devise est : pas de rigidité excessive mais pas de n’importe quoi non plus.
Malgré tout, oui, de temps en temps, je peux être amenée à picoler quelques verres en terrasse, quand la compagnie est agréable et le climat clément. Mais je garanti sur facture que je gère ma consommation avec toute l'attention nécessaire pour que jamais on ne me déclare pompette. Je ne suis pas de ces princesses en tenue de soirée qu'on découvrait à l'envie, vomissant derrière les radiateurs, lors de la moindre des festivités ponctuant ma vie estudiantine. Et je n'ai pas changée d'un iota. Je ne sais plus si je vous ai parlé de ma devise ?
- en toutes circonstances, droiture, maintient et correction sont les mamelles de... non, je veux dire...
Ah ! Je suis à bout, j'avoue.
Il est grand temps que je fasse le deuil de mes illusions. Que je me raconte, que je me vide. Je ne suis pas celle que vous croyez, si vous croyez que je suis celle que je prétends être. Ni celle-ci, ni celle-là, à fortiori.
Juste une femme lasse, qui fut lascive, certes, mais rarement, enfin, surtout, salement, une fois de trop... Oui, puisqu'il est l'heure de tout dire, soit, je fût, pas plus tard que tantôt, la cible d'une cohorte tout à fait mal intentionnée. L'horreur de la situation est d'ailleurs loin d'être consommée. Car ma misère, c'est à des proches que je la dois. Des gens à qui j'avais, inconsciemment, cruelle leçon, donnée toute ma confiance. Et je n'en suis pas revenue. On a beau dire qu'on ne nous y reprendra plus, en refaisant le déroulé du fil de ces dix dernières années, si on trouve le loisir, entre deux rendez-vous, et en omettant, sélectionnant avec jugeote et finesse, car dix ans à se retaper, au total, ça ferait largement dans les vingts, alors on voit bien la montagne d'indices annonciatrices du drame que l'on a négligés, des pièges où, stupidement, l'on retombe régulièrement.
J'aurais pu, j'aurais dû, il aurait fallut que je le susse, mais j'ai fait comme si tout était normal. Que celle qui maîtrisent parfaitement la ligne de démarcation entre le pragmatisme nécessaire à tout ambition légitime et cette maudite lâcheté industrieuse devant l'horreur de notre mortelle condition, me jette à la face le premier des trois petits cochons de lait, ou n'importe quoi d'autre de contondant.
Oui, d'accord, ce n'était pas Jean-Paul Charmant et j'ai pourtant accepté ses fleurs. Le premier des verrouillages de l'engrenage des évènements s'est alors doucement, subrepticement, oserais-je dire, mis en route. Et quand la machine est en route, bien maligne qui pourrait l'arrêter.
Et l'amour, tout ça, les enfants, les vacances dans le Sud.
Bien sûr qu'on les aime, ses enfants, qu'on les porte, leurs cadeaux trop mignons.
Et je me retrouve en costume traditionnel de je-sais-pas-où dont la couleur va me niquer les rétines et les coutures au gros fil de pêche de cette satanée espèce de toile de jute, elle va s'occuper de me ruiner ce qu'il me reste de tétons.
Avec, pour finir, je vous le donne Émile, un putain de collier de coquillage...
Merde !
Je l'ai pas vu venir celle-là.
Je suis fa-ti-guée.
Il reste du rosé ?
Verse !

13 janvier 2013

3 jours et 3 nuits



photo : Grant Dixon
Cette fois ci, j’arrête.
Et, si je tente, par la présente, d’en expliquer le pourquoi, qu’il ne soit pas dit que j’en espère un quelconque bénéfice ou autre retour sur investissement. J’arrête, et c’est par ce geste que reçois directement mon salaire. Et basta, le léger agacement de n’être malheureusement pas le premier. Car j’aurais adoré, sentir l’inédit, une seule fois, avec ce goût qui ne fond qu’en bouche de ceux qui, seuls, savent, sur les plus hauts sommets de l’expérience humaine, innover. Au moins, je sais à quoi m’attendre. J’ai vu, lu, entendu, la foule de ceux qui restent. Leur véhémence m’a vrillé les oreilles et le cœur. J’ai été jusqu’à penser leur répondre, l’index frôlant la touche F du clavier, failli participer au débat, tenter de juguler la curée, défendre les absents. Mais, à cette époque, il m'apparût évident que mes propos seraient saturés de cette colère qui bouillait, souillait mes entrailles devant le mépris, la vison étroite des assaillants. Alors que je la contrôlais à peine dans mon quotidien, comment la maîtriser sous le couvert d’un pseudo ?
Soit, je serais le lâche, l’hypocrite, le faible, l’égoïste, le prétentieux, le réac, le manipulateur, le profiteur...
Et je laisserais les restants trier, alourdir, cette liste non exhaustive.
Mais c'en est trop.
J’ai essayé, cherché, soupesé, hurlé, murmuré, avec force, douceur, emportement et patience.
Aujourd’hui, je peux dire que, pour moi, plus rien ne devrait.
Oui, la phrase est finie.
Le futur, c’est du passé.
Je me suis déconnecté.

Un vendeur d’armes se laissait filmer. Il répondait, décontracté, assuré. Des filets de certitudes, parfois, dégoulinaient de la commissure de ses lèvres. Son credo était limpide : l’outil n’est rien sans une volonté humaine qui l’anime. Il n’a pas parlé de conscience. Ni d’inconscience. Juste d’objets qui font ce qu’on leur demande, qui se laissent transporter, dociles, d’un côté ou de l’autre de la frontière. Et si ils sont manipulables, c’est qu’il sont irresponsables. Comme ceux qui les fabriquent.
Il était convaincant. Je n’étais pas très convaincu.

Je sais ce que j’aurais fait, loin de cette boite mail qui ne se remplissait que de sollicitations commerciales. J’aurais vécu autre chose. J’avais eu beau la renommer “boite de déception”, pour ne plus être surpris des effets indésirables, rien n’y faisait. Je l’ouvrais. J’étais déçu. Et je ne jouissais même pas de la satisfaction de cette prédiction... J’avais quatorze ans, je soupirais, en attendant mieux, juste un peu mieux que rien. Mais aucun signes extérieurs n’indiquaient la moindre possibilité d’évolution, d’extirpation de cette fosse où je croupissais.
Par intervalles réguliers, je réalisais soudain que j’avais passé de longtemps l'âge ingrat de l’attente, de la résignation, de la soumission aux pulsions et à la procrastination. Alors j’agissais. Enfin.
Je participais ! Porté par la force qu’on ne prête qu’aux forts, je publiais, postais, répondais, inventais, créais, comme si ma vie en dépendait (en dépendait-elle ?) Tout en évitant soigneusement de laisser transparaître autre chose que le plaisir de l’acte gratuit.
Une maîtrise impeccable, une pleine conscience accomplie.
Du vent.
Je me surprends à attendre. J’ai de nouveau quatorze ans.
J’ai même joué, collectionné, les commentaires, les pouces levés, les yeux rivés sur les compteurs qui grimpaient avec ardeur. J’ai pactisé avec les prisonniers de l’audimat individualisé, appris les tactiques d’augmentation de fréquentation. J’ai écris comme on boit, pour oublier.

Trois jours et trois nuits.
Et tu n’as pas écrit.
J’ai quatorze ans.
C’était lui ou moi.
Alors j’ai donné un coup de ciseaux sur le câble du réseau.


02 janvier 2013

Ceci est une pipe.

Sue le sait, si, et s’en soucie sincèrement, de ses seins qui sont à l’envie, soit trop comme ça, soit trop comme ci, pour ceux qui sans cesse, devisent de tout. Et divisent, surtout. Surtout, tout ce sur quoi ils ne savent que, souverainement, régner. Ici, elle me souffle à l’oreille que les hommes sont des cons, n’est-ce pas ? Qu’ils feraient mieux de les prendre comme il faut, comme ils sont, sur ce champs ou sur l’autre. Mais, finalement, il vient toujours un moment où elle apprend à, royalement, s’en foutre. Elle est de ceux, et ceci n’est pas si rare, mais certainement pas non plus si facile, qui savent, à un moment, se taire. Sue, à genoux, scrupuleuse, aimerait bien être comprise, au moins autant qu’une complice. Mais, malgré tout, c’est récurent, ce sont toujours ses vieux réflexes, s’invitant sans excuses, par cette satanée, et sûrement même un peu surannée, surprise, qui la prennent et la reprennent. Et si les choses étaient autrement ? Et si il me voyait, enfin ? Si il savait qui je suis ? Qui j’ai envie d’être et pour qui ? Et non pas, comme à chaque fois, prise pour la fille trop gentille, de celles à qui l’on pourrait, sans trop se forcer, ni l’effaroucher, un peu tout et n’importe quoi faire avaler. Mais soit, si il faut qu’il en soit ainsi, il se sera pas dit, en plus, qu’elle soit de celles qui préfèrent tout gâcher, comme ces quelques gouttes, pour de sombres histoires insensées de tête hautes, de quantité, d’un de perdu, dix de trouvés. Sue, elle aspire, profondément, à autre chose. Parfois même, mais chut ! à passer... Chef ici, servante là-bas, elle veut tout dans ses bras, tout embrasser, pour voir tout s’embraser. Ce type insignifiant, bof bof, y a eu droit. Elle rit, il n’en reviendra pas. Elle a posé un genou, puis deux, puis compté jusqu’à trois. Il a fondu, failli choir quand il est parti. Quel ballot ! Mais le boulet au moins avait bon goût. Bon, ça fait trois jours que Sue me pompe l’air avec ses histoires de pipes. Je crois qu’elle voulait du trash pour ce réveillon. Mais, la pauvre, devrait commencer à me connaître. Je sèche la fin d’année avec autant d’assiduité que j’aurais fini par tout sécher, les cours, le boulot, l’amour... et tout le reste. Si Sue savait les hurlements assourdissants des milliers de galaxies qui nous séparent, elle en remplirait, des sacs en papiers. Au lieu d’essayer de m’agacer avec ces soit disant inconnus qu’elle prétend vider à tour de bras.