21 mai 2017

Les gens sont des petits animaux sauvages

Lapins from Rongeur

Les gens sont des petits animaux sauvages.
Craintifs, ils préfèrent fermer leurs portes à double tour.
Il faut que les clés cliquent et claquent afin qu'enfin baisse leur stress.
Et, si il s'agit de sortir, quelle histoire... Ils se couvrent, se maquillent, se changent, comme si leurs vies en dépendaient.
D'une manière où d'une autre, leurs protections sont autant vaines et illusoires qu'ils les pensent vitales.
Alors, pris d'une de ces intuitions fugaces dont ils sont très friands, ils s'attachent à disparaître, sous de drôles d'excuses, des tonnes d'idées farfelues, des encyclopédies de mots incongrus.
Et, l'on peut entendre leurs babillages incessant, bien avant l'aube, à travers leurs murs à moitié solides, à moitié étanches.
Car, si ils s'agitent aussi vite que le permet leur maigre constitution, ils font tout à moitié.
Du bruit ou de la musique, ils s'entendent à les confondre, du fond de leurs oreilles distraites.
Ils voudraient n'écouter que leur cœur mais, au final, c'est une horloge qui les fascine.
Sa rondeur apaisante capte toute leur attention.
Pendant que son mouvement, cyclique et répétitif, tente de les assoupir, pour les conduire sans encombre, vers d'obscurs et terminales demeures.
Alors, les petites bêtes, loin d'être aussi folles que prétendent le démonter certaines études superficielles, se dressent, d'un bon, devant la sordide échéance.
Et courent dans tous les sens.
Ce qui, certainement, serait très distrayant si je n'avais, par faiblesse ou contagion, besoin de voir, de rencontrer, de jouir de la présence, quand de l'une ou parfois de l'autre.
Et, à cette fin, il s'agit d'élaborer toute une kyrielle de procédés, de ruses, de manigances, si l'on veut caresser la chance d'un jour oser les approcher.
Car, patienter calmement, posté sans bouger, persuadé qu'ils finiront bien par passer, ça peut durer une vie, tant leurs trajectoires se révèlent erratiques.
Aux messages et missives, affairés, ils ne répondent jamais, sinon trop tard, ou trop peu à propos.
Il faut surtout montrer patte blanche, se faire beau, calculer au millimètre, les poils, les phrases à couper.
Les chausse-trappes et tous ces codes, qu'au fil des siècles ils ont posés, pour de la terreur se protéger, j'y saute dedans, des deux pieds, inconscient des alertes que je fais résonner.
Une fois, j'avais bien ri, quand une toux, un peu plus forte que les autres, les fit s'éparpiller en piaillant affolés. Une autre fois, n'en parlons plus, ce fut un pet.
Je suis et, je reste, très mauvais chasseur, alors, pour mes dimanches, de compagnie, nenni.

14 mai 2017

L'effet des fées des futaies

Je m'en rends rarement compte ;
Soit distrait, soit parti à hurler,
Mais ce dimanche, j'en fut frappé :
Ces platanes sont immenses.

Ils trônent,
Ordonnés par les siècles,
Parés au printemps
Mais aux i-grec toujours apparents et,
Courent tranquillement
Vers ces étages qui m'étouffent,
Que je date aux cinquièmes,
Environ, le début de la fin.

Et qui leur en voudrait
Que, non content d'essayer,
Il montent ?
Qui serait gêné
Par leur croissance inaudible ?

C'est moi, du balcon,
Qui ne comprend pas,
Qui veut bruler
Et se plaint d'être caché,
Entre nuages et futaies.

Je l'oublierais demain, c'est certain,
Mais là, j'ai senti
Ce qui soudain me touche.
Car, cette après-midi, ils dévoilent
Par le silence habituel de leurs ombres,
Et l'espace et son sens
Et la masse infinie
De l'air qui nous entoure

Et je le salue, au passage
Ce si joli hasard
Qui me ramène régulièrement
À la distance atomique exacte
Celle où je peux sentir frémir
La circonférence externe de leurs âmes
Lorsque l'on se tient pile
Au bout de leurs ombres


02 mai 2017

La peau nue de nos lèvres



Elsie assise ici et moi là
Quelque part à boire quelques cafés noirs

A mon tour de sourire
En rêvant qu'Elsie pose enfin ses valises

A-elle dit oui, elle
Rarement indécise
Pour qu'on l'écrive à deux
Cette absence brulante
De bruit, de paroles ?

Seraient-elle chouettes
Nos heures muettes ?

Pourrions-nous dérober
Ce qu'il faut de blancheur
A ces feuilles de papier
Offertes sur l'autel de graphite
Le maitre de nos confidences ?

Voilà, le taulier nous dealerait
De son carnet déchiré
Autant de pages qu'il nous faudrait
Pour se comprendre et espérer

Il sera serré, juré
Fortement aimé, ce stylo
Si chaud, si loin d'être sot
Échangé sous le manteau

Pour que plus rien n'habille
La belle chair à charmer
La peau nue de nos lèvres
Le rubis palpitant
Notre choix
Le silence