Un
voyageur est passé.
Les voyages interstellaires m’ont toujours fascinés. Pour le
charme de ces nuits sans fins. Le calme imposant des galaxies
inaccessibles. L’impression de se perdre dans l’infini et la joie de
voir enfin surgir une planète extirpée du noir insondable, récurent.
J’avais donc opté pour une carrière dans l’exploration des
univers inconnus, occultant bêtement par excès de confiance un facteur
important de ces missions longues, la monotonie. Quoiqu’en elle-même la
monotonie ne me dérange pas énormément. Mais j’avais vraiment minimisé
le lot de névroses qu’elle génère pour le voyageur imprudent, mal
préparé et manquant cruellement d’expérience.
Il
faut dire que sur ma planète nous avons un gros problème quant à la
qualité de nos formations. Tout est fait dans l’urgence pour faire face à
d’insolubles problèmes de pollution, surpopulation et j’en passe... qui
gangrènent notre monde. Tout ça aggravé par des bureaucrates qui n’ont
jamais envisagés d'autre tactique que la fuite en avant.
Ce qui soyons clair m’arrange largement. Un recrutement
cohérent m'aurait définitivement privé du privilège de piloter un de ces
fleurons de notre flotte de vaisseaux.
Mais
si j’avais imaginé une seconde les soucis que le manque de pratique
dans l’échange verbal avec mes semblables allaient m’infliger, j’aurais
réfléchi à deux fois...
Un matin donc, une
alarme, un voyant vert, j’ai su que je touchais au but, la Terre était
en vue. Jusqu’au bout je me serais largement reposé sur notre
technologie. Et les résultats d’analyse étaient formels, j’aurais toutes
les chances d’avoir un premier contact constructif et sympathique avec
les habitants de cette superbe contrée en me rendant au Café des Trois
Conils.
Le plan était simple, j’étais très
enthousiaste. Un peu trop pressé peut-être ?
Car
à peine franchi le pas de la porte de l’établissement, j’ai senti mes
épaules faiblir, s’affaisser. Des femmes, des filles, des dames
attablées, affichées, partout. Une plus sévère debout derrière un
immense comptoir, à qui je montre une bouteille. L’immensité ça allait,
c’était mon métier. Elle me sert en souriant finalement devant mon air
de touriste un peu perdu. Et je réussi à m’attabler, à entamer mon verre
tout en me laissant aspirer par un fauteuil gigantesque. Je compense ma
petite taille par un sang froid à tout épreuve. Qui n’est évidemment
qu’une façade mais qui le sait ?
Et
je réfléchis, beaucoup, tout le temps, trop dit-on.
Et là je dois avouer que je suis dépassé.
Il n’y a aucun lien, aucun rapport entre les représentations
picturales affichées au mur et les personnes qui m’entourent. Ce qui ne
serait pas à priori un problème si j’avais eu le début du bout d’une
explication sur le comportement à prendre pour réussir le fameux contact
pour lequel j’ai été grassement rémunéré.
Dois-je
soulever mes sous-vêtements pour brandir mon poitrail devant une de ces
créatures ?
La langue joue un rôle
primordial me semble t’il. Mais de là à la projeter hors de ma bouche
pour un oui ou pour un non, j’hésite aussi ?
Ou
bien faut-il que je gigote dans tous les sens quitte à défier toutes
les lois de la physique ?
Et le grain de
peau de ces images ? Quel est ce puissant, exorbitant produit qui les
enduit et qu'on ne retrouve pas sur celles qui m'entourent ?
J’étais prêt à tenter tous les comportements. J’avais passé
tant bien que mal les tests d’adaptation en milieu étranger. Mais je
doutais. Car les personnes présentent ici agissaient en totale
opposition avec ces images. Des représentations tout à fait extraverties
aux murs et des gens mesurés, discutant calmement autour de moi.
Il fallait que je prenne une décision. Sinon j’allais finir
par produire un comportement inadéquat. Je sentais les regards
s’alourdir. Mon hésitation allait finir par être prise pour une insulte
au coutumes locales. Quel sort réservait-on ici aux déviants ?
Pour l’instant j’étais juste figé, happé par ce fauteuil qui
n’en finissait pas de me digérer.
Mes
mains déplaçaient le verre sans trouver un endroit meilleur qu’un autre
pour le poser.
Mes yeux n’avaient
aucunes idées non plus, après avoir passé en revue toutes les choses
inanimées, d’où se fixer. J’aurais sûrement pu régler ces problèmes
momentanément en prenant une cigarette. Mais les seules cigarettes
présentent ici l’était sur les images.
Quel
était le but profond de la production de ces images ?
Une voie à suivre, une voie à ne pas suivre ?
Une représentation de leurs désirs ? Une distraction ?
Ne vivait-on ici que par intercession, par procuration ?
Je suis reparti. Laissant mon verre à moitié plein.
Mon traducteur linguistique inutile.
Personne
ne me parlait.
Et même si... Tout ça
n’aurait eu, j’imagine, aucun sens.
J’étais
seul.
Bien plus seul que perdu au fin fond du
cosmos.
Ce texte me plait beaucoup. Je n'arrive pas à écrire le mien. Je manque de mots car j'ai les phrases mais rien ne vient. J'ai certes encore un peu de temps !
RépondreSupprimerBonne soirée