Atelier d'écriture chez Asphodèle.
Utiliser les mots suivants :
quenelle – quiproquo – quolibet – quiétude – quintessence – quota – quérir – quenotte – querelle – quinoa – quilles – quintette – quartier – quintal – quinquet – quelconque – quitter – quasi – quantité.
Je
m’en suis rendu compte il y a peu. Lors d’un de ces trop copieux repas
de famille. L’heure avait tourné et je sentais qu’il me faudrait enfin
trouver le courage de les faire, ces tristes adieux au temps béni et
insouciant de l’enfance. J’étais, comme jamais auparavant, bien décidé à
franchir le pas, à le payer ce lourd tribu.
Car elles
seront irrémédiablement finies les galipettes effrénées dans les prés
vallonnés, celles qui impriment leurs traces vertes indélébiles sur nos
fonds de culotte, tout en nous laissant consciencieusement sourds au
lointain quota de punitions que l’on ira quérir en tremblant sous les
quolibets des copains. Terminées les querelles avec d’adorables chipies,
nos reines du quiproquo et de l’embrouille. Abandonnés les jeux de
quilles sur les trottoirs contre les gamins du quartier voisin et
perdues pour longtemps les quenottes si bien cachées par l’invisible, la
toute petite souris, qu’on n'y remettra la main dessus qu'une foule
d'années après.
Il y a quantité de choses que je regrette déjà.
Comme l’assurance d’avoir toujours un papa très fort, prêt à me tirer
des quelconques mauvais pas où j’avais la quasi certitude de foncer tête
baissée. Car il pouvait, il me l'avait juré sans mentir, soulever
facilement un bon quintal dans chaque main ; et ça aussi haut que le
plus haut du dessus de ma tête.
Mais ce n’était plus possible de
continuer comme ça. Il fallait tout quitter ou continuer jusqu’à la fin à
me bercer de cette hypnotique quiétude qui m’engourdissait. Comme s’il
était possible d’éternellement s’éclairer à l’antique lueur du quinquet.
Comme si mon corps, mes neurones pouvaient encore longtemps supporter
le rythme assourdissant de ce quintette de jazz New Orleans qui
enflammait, chaque dimanche soir, l’arrière salle du Bistrot Créole, où
je diluais, dans le rhum et la musique, la déprime qui me rongeait à la
seule pensée d’un autre lundi de bureau.
Certains prétendent que
la quintessence d’un changement ne s'obtient que par une mutation
radicale, instantanée et définitive de tout son être. Je veux bien,
soit. Accordons leur tout le crédit qu’ils demandent.
Mais je
doute, car la vérité c’est qu’ils ne les ont pas passées dans ma boite,
les deux dernières décennies... Déjà, le simple fait d’écrire ces lignes
me rend suspect à moi-même. Quel drôle d’intérêt puis je trouver à
essayer de concevoir ce qui peut exister au delà des outils
intellectuels, déjà conséquents, que ma profession et ma vie sociale
nécessitent ?
Pourquoi faire, pourquoi gâcher tout ce temps, cette énergie ?
Et
si j’arrive tant bien que mal à envisager qu’il puisse y avoir une
alternative à la vie absurde que je me suis construite, me plonger d’un
coup comme ça dans l’inconnu...
Je n’y pense même pas. Je sais qu’il me faut, à l’instar d’un toxicomane en cure, une sorte de lente désintoxication.
Mais
heureusement aujourd’hui, hasard du calendrier festif familial, j’ai
trouvé par où commencer. Dès demain matin, je vais petit à petit
modifier mon régime alimentaire. J’ai établi un programme à base de
quinoa qui devrait me faire le plus grand bien.
Mais je sais qu’il
me faudra absolument garder ce jour en mémoire. Car la rechute est
toujours là, une main sur mon épaule, à guetter un faux pas.
Alors
c’en est fini de tout ce qui faisait la joie des repas d’enfance. Je me
souviendrais longtemps de ce dernier coup de fourchette, écrasant un
corps oblong, à la pâleur phallique, à la mollesse écœurante. Et cette
pâte uniforme, à deux doigts de suinter de graisse, et dont personne ne
pourrait sincèrement en certifier la fraîcheur des ingrédients... Mais
bien sûr que le charcutier nous ment, nous cache quelque chose. Sinon,
pourquoi tout broyer en une bouillie méconnaissable ? Historiquement
parlant en plus, le saint plat était déjà entaché de spoliation, de la
victoire de l’argent sur l’artisanat local ; et ce, depuis le début du
siècle dernier.
J’ai lâché mes couverts brusquement, comme on sort d’un cauchemar récurent.J’ai escaladé ma chaise.
J’ai fait tinter mon verre en demandant l’attention.
Et j’ai réussi à hurler entre deux jets de vomi :
- Ah ça non, pour moi il est clair et net que la quenelle, c’est mort !
Un texte à lire plusieurs fois pour en extraire la substantifique moëlle...
RépondreSupprimerMerci pour ta remarque moulée à la louche et non pasteurisée ! J'ai par contre un peu peur qu'une fois qu'on connaisse la fin de mon histoire, tout ça ne soit pas très digeste...^^
Supprimersympa cette page de l'enfance à tourner. Les quenelles sont malmenées dans les cantines alors que cela peut être délicieux.
RépondreSupprimerMais c'est elle qui y'a commencé, madame ! On dit que la vérité sort de la bouche des enfants mais pas qu'elle y rentre.
SupprimerAh l'enfance !! et oui c'était l'insouciance !
RépondreSupprimertexte bien écrit et j'ai bien aimé merci ;) bon week-end et à bientôt ;)
On était jeunes on était fous ! Ravi de t'avoir fait passer un bon moment et très bon we à toi aussi.
SupprimerAh, l'enfance...
RépondreSupprimerEn bonne lyonnaise la quenelle c'est souverain quand nappée de sauce Nantua ou encore d'un sauce tomate épaisse avec un coussinet de Comté râpé...
@ tantôt
avec le sourire
Ton sourire fait plaisir à voir et c'était bien tout le but de cette fable (et aussi taquiner Soène, chut ! ;-)
SupprimerEt merci pour l'accompagnement !
Je la guette encore cette insouciance de l'enfance, mais elle ne veut plus de moi :(
RépondreSupprimerMarlaguette
Je te rassure je suis pareil ! Et ne le dis à personne mais ce texte est une honte d'inventions romantico-démago ! L'insouciance de l'enfance, elle est morte et qu'on en fasse notre deuil.
SupprimerOn peut par contre travailler à une autre insouciance beaucoup plus sûre et durable et belle car consciemment désirée, celle de l'adulte !
bon we Marlaguette
Et tes voisins de table ? Z' ont apprécié ???
RépondreSupprimerJ'étais resté seul à la table des enfants. Les autres étaient partis depuis belle lurette jouer au docteur en cuisine.
SupprimerMerci de me lancer sur la suite !
Et bien non, la quenelle revient ! et les Lyonnaises sont là !
RépondreSupprimerAurais-tu une fâcheuse tendance à l'embonpoint à cause de ton âge ? Serais-tu fâché après toi même et à ta culinaire addiction ? !!!
Quel affreux portrait et procès tu leur fais à ces pauvres quenelles !
Les as-tu vues un jour, gonfler dans un plat au four et se tenir droites et dodues sous une sauce écrevisse ?
Nous n'avons pas les mêmes valeurs, mon cher Monsieur Normal !!!
Ceci dit, il faut en effet relire ton texte si dense et si chargé de souvenirs...
Allez, sans rancune, se battre à coup de quenelle ne fait que renforcer l'amitié virtuelle !
Bon we et bises de Lyon
Bon we
Gulp ! les Lyonnaises sont dans la place !:-)
SupprimerSérieux, nous sommes bien tous des enfants de la pub, j'ai eu du mal moi-aussi à me reprendre. Mais non, je suis sûr moi que nous avons les même valeurs. Mais baignés dans les histoires de rillettes nous confondons les plats et les valeurs...
Regarde, déjà nos pieds on les met où on veut et c'est souvent dans les plats !
biz idem, guerrière de la quenelle!
Muhaha !
SupprimerA Lyon, dans le quartier historique de St-Jean, il y a un resto qui s'appelle les pieds dans l'plat. Véridique !
Il faut passer sur la table pour aller dans la salle !
Cochons de Lyonnais, tu vas t'empresser de me dire !
Promis, demain matin, je dépose un mot bien comme il faut !
Bises de Lyon
Et toujours pas d'invitation à déguster la vraie quenelle... Mon message subliminal a du mal à passer !
Supprimerj'aime ! il faut dire que j'ai le souvenir désagréable de quenelles de mauvaises qualité à la cantine^^ Mais le côté nostalgique rend le tout digeste et très sympathique :)
RépondreSupprimerLa cantine nous aura tous dégoutés d'un plat (moi c'est un avocat pourri et un melon passé qui m'ont longtemps privés de leurs congénères en bonne santé) C'est agréable qu'on apprécie ma cuisine merci !
SupprimerJ'aime toujours autant ta plume qui sculpte et taille dans le vif. Quant aux quenelles, je me suis réconciliée avec elles. Pourtant Dieu sait que je les haïssais quand j'étais gamine!
RépondreSupprimerJe vois que le complots des Lyonnaises étend ses ramifications dans tout le pays. Taillons dans le gras !
SupprimerAmateur de quenelles, j'étais attristé qu'il s'agissait d'une oraison mortuaire pour cet aliment... Quoi qu'il en soit, ta prose m'a régalé
RépondreSupprimerCoincoins repus
Ne sois pas triste petit gourmand, autres temps, autres quenelles.:-)
SupprimerLa quenelle est morte, vive la quenelle :-)
RépondreSupprimerTres bien vu ces souvenirs d'enfance :-)
C'est fou comme la quenelle questionne l'enfance. J'ai vraiment pas fini d'en manger (symboliquement !)
SupprimerEn tout cas tu fais de sacrées galipettes avec les mots ! passer de la nostalgie de l'enfance, à un état des lieux plutôt morose pour finir sur un souvenir culinaire aussi drôle. Proust peut aller se rhabiller avec sa madeleine... :-)
RépondreSupprimerJusqu'à maintenant j'aimais bien les quenelles... je ne les verrai plus jamais de la même façon...