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photo Sylvain Lagarde |
Je suis tombé dans la
maladie
Et impossible de dire précisément quand. Mais
c’était forcément à un moment charnière. Depuis, je passe en revue le
moindre de ces évènements. Comme si je pouvais guérir en revenant à la
source du mal. J’ai plutôt l’impression de me servir de cette hypothèse
douteuse pour me distraire l’esprit. Il serait pourtant bien plus
judicieux de me concentrer. Mais la fièvre épuise une à une mes
dernières forces. Mon capital fond. Mes muscles, ma vue se disolvent. Je
ne sers plus qu’à penser. Je rêve d’équinoxes.
Ça aurait très bien pu être le jours où j’ai enfin
répondu à ton invitation, que d'un coup je glissais
dans cet entre-monde. Je garde précieusement la mémoire, de l’heure, de la minute, de la
seconde. Dans ma collection compulsive de codes temporels, il figure en
bonne place. J’avais donc sonné à ta porte et depuis ce qui me sembla
être une bonne dizaine d’année, j’attendais sur ton palier. Je profitais
de ce temps mort pour ne penser strictement à rien. N’attendre rien non
plus. Je regardais le bois de la porte. Il me le rendait à sa façon,
m’hypnotisant doucement. Je me doutais bien qu’il aurait suffit de
compter les veines du bois, de l’extérieur vers l’intérieur, pour
connaître l’heure pile où je passerais enfin, de l’extérieur vers
l’intérieur. Mais je préférais la surprise. Ou plutôt, je me saoulais du
manque de courage qu’il m’aurait fallu pour m'atteler à cette tâche,
somme toute fastidieuse. J’étais déjà un peu vieux, je crois.
C’était
la glissade qui me plaisait. Je sentais le temps se raccourcir, se
compresser, attendant affectueusement l’effet de ce que que j’avais pris
l’habitude de nommer : mon bon ressort. La porte devrait grincer car
l’infini mathématique encore une fois mentirait. Et je serais soudain
chez toi. Quoiqu’en omettant soigneusement de préciser l’épaisseur du
ressort, je maintiens artificiellement en vie un miracle qui n’aura pas lieu.
Si elle pouvait, un jours, cette porte, pour mon plus grand bonheur, n'en
jamais en finir de s’ouvrir. Vraiment, elle ne devrait jamais en finir. Je
ne devrais jamais rentrer. L’institution assignerait à chacun une porte,
à chacun une place. La paix immobile des nations. Les peuples des
portes, ni ouvertes, ni fermées.
Juste en train
de...
- Je t’en prie, entre.
Je
suis passé du palier de l’immeuble au couloir de son appartement à 20h
32mn 05s. C’était le jeudi 15 novembre 2013. Je ne pourrais pas mieux
dire. Y a t’il eu un éblouissement à la bascule des mondes ? Ai-je reçu
une quelconque piqûre au bas ventre, pour ce passage téméraire, qui fût
loin d’avoir bénéficié de l’attention qu’il méritait ? J’ai bien peur de
ne pas savoir ?
J’avais déjà, avant de la rencontrer,
franchit tellement de seuils, fait preuve de tant de légèreté coupable.
Et
c’est là que certaines de nos maladies communes s’installent. Une
brèche s’ouvre, on regarde ailleurs, pressé forcément. Mais quelque
chose guette.
Un trou se forme.
Et
on tombe...
Dans la maladie.
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...on en cause ?