03 décembre 2012

Violence de bisous sur cœur d'artichaud

reprise de volé d'un post de Lulullabyonearth


« cool bisous »

On dira ce qu’on voudra, un petit texto savamment dosé, ça peut redonner, à une journée, une vie, tout l’éclat que le temps ordinaire se plaît à ternir. Et Carole a ce don. En deux mots, elle peut me retourner le cerveau, le faire revenir à feu doux, me déclencher de ces petits crépitements neuronaux qui ravissent toutes mes terminaisons nerveuses. Depuis, je regarde mon portable régulièrement pour savourer chaque signe de son message :

« cool bisous »

Ceux qui me connaissent s’en étonnent d’ailleurs. Je n’ai jamais caché mon penchant pour le texte charnu, la phrase toute en rondeurs s’étirant sur plusieurs lignes. J’en ai fait des tonnes, à glorifier la faconde pendant des heures, devant ceux qui ont le malheur de lancer le sujet en ma présence, sur la nécessité de l’abondance. Car elle seule peut nourrir convenablement une âme affamée. Il le faut ce poids, pour creuser les profondeurs idoines, seules garantes de la survie des racines, vitales autant que fragiles, de nos joies les plus chères. Mais Carole, c’est l’exception. En deux mots, elle s'immisce en mes abysses pour les réchauffer de sa morsure chaleureuse.

« cool bisous »

Et mon cœur bondi par dessus les égouts de mes peines quotidiennes, rebondi au delà des montagnes de douleurs ancestrales, traversant, comme d’autres les flaques, les océans de larmes d’une humanité agonisante. On est tellement loin des anorexiques “ok à+” ou autres “nickel, ça roule”. Des os sans chair transperçant la fine peau censée nous protéger. Ici, tout est à voir, à sentir. C’est des lèvres douces et moelleuses, prodiguant, sans la moindre économie de tendresse, des tonnes de baisers sur mes plaies apaisées.

Il y a tout quand elle me l’écrit, ce délicieux :

« cool bisous »

Et Carole, insensée, joue avec le feu de ses bises plurielles. J’avais fini par l’encaisser, son départ vers un appart’ mieux fourni. Des tablettes de chocolat plein les placards, plein le nombril de son Big Jim de moleskine. D’accord que nous, c’était parti pour le virtuel. On a gardé nos jeux en ligne. Et c’est bien mieux que rien. Mais j’ai beau prétendre n’avoir aucune attente, quand par exemple comme ici en lui envoyant le résultat de ma dernière quête, ma respiration s’alourdi à la réception de son :

« cool bisous »

Parce qu’elle aurait pu ne rien répondre. C’était juste une info qui n’avait pour but que de valider le walkthrough qu’elle m’avait communiqué. Je connais son hyperactivité, le peu de temps qu’elle a. Alors, je me grave, pour le repasser en boucle, ce qui a forcément dû se passer. Elle quitte des yeux son interlocuteur, lâche son occupation et fait une pause où il n’est plus question que de moi. Alors, la technique se mélange à la tendresse, et je reçois :

« cool bisous »

C’est simple, minuscule. C’est assez discret pour passer inaperçu. La plupart n’y verrons que superficialité, légèreté proche de l’inattention. Qui se pique encore aux aiguilles perdues des bottes de foin ? On veut des romans étalés sur 300 pages, des demis douzaines d’années de saisons télévisée. Il nous faut des orages pour que les gouttes, démultipliées, enfin nous touchent. L’amour, alors, est une averse. Une pluie, qui ne s’évapore pas, qui ne s’arrête pas, qui inonde mais ne noie pas.

Mais maintenant, je peux aimer d’une autre façon, sans que l’eau ne me monte jusqu’aux coudes.

Qu’importe, finalement, que tu le saches ou pas ?

Tant que de temps en temps, tu y penses et m’envoies :

« cool bisous »


4 commentaires:

  1. Cool bisous



    Ahahah non,j'ai voulu essayer, mais ça ne suffira pas ! Il me faut des mots et des lignes pour te remercier encore pour cette jolie réinterprétation et tous ses clins d'oeil. Au-delà du texte que je trouve rondement mené et joliment poétique, je suis interpelée par cette approche qui tient bien la route, en fait ! Oui tu as raison, ce "cool bisous", ça peut aussi être un message plein de tendresse. Dommage qu'hommes et femmes ne soient toujours pas capables de communiquer de la même façon... (amis des généralités, bonsoir)

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    1. Merci !
      Allez, j'avoue puisque que personne n'écoute, c'est vrai qu'il faut prendre un bon petit recul pour ne pas le trouver très frustrant, ce mini « cool bisous ».
      Comme quoi, on n'a pas fini d'en causer !

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  2. Ah donc tu avoues ! Certes il faut pas mal de recul, voire d'indifférence, voire de lassitude... comme Carole qui, sur le moment n'y a pas prêté attention, fatiguée qu'elle était de recevoir des "coups". Dans mon approche, c'est bien la réflexion qui a fini par lui faire détester ce message. Le recul lui a fait capter la négativité. Alors que dans ton texte, il est tout de suite heureux de recevoir ce message. Donc je me dis qu'au-delà de la différence hommes-femmes, l'état d'esprit y est pour beaucoup. Ton héros est un optimiste ! La mienne une blasée...

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  3. Reste, quand même, qu'il me semble que notre réussite en tant qu'espèce dominante sur cette planète, vient peut-être du fait que nous ayons accompli ce curieux paradoxe qui serait d'arriver à rationaliser l'irrationnel.
    Notre intelligence, nos supputations, nos projections, sont terriblement teintés par nos désirs, nos peurs, nos expériences, nos échecs. Et c'est comme si notre maitrise matérielle était inversement proportionnelle à notre propension à être heureux ? En refusant notre ambivalence, et son influence sur nos pensées, donc sur nos actes, nous restons bien souvent victimes de nous-même.
    Tout reste possible, le futur ne se refermera qu'à notre mort, mais sérieusement, les bisous, c'est quand même rare qu'on les distribue, surtout au pluriel, pour signifier l'agacement ou le mépris, non ?
    [On a une pelleté d'autres charmants vocables pour ça, sans parler du silence(qui demanderait un traitement à base de solides pincettes).]
    Enfin, ça n'aurait de sens que pour détruire émotionnellement quelqu'un, en essayant de lui croire que même le secours d'un peu de tendresse lui sera définitivement refusé. J'ai peur que Carole ne se soit elle-même plongée dans la pire des tortures mentales possible, celle qu'on s'inflige à soi-même.
    A moins que son ami ne soit vraiment un monstre ? Mais depuis quand font-ils les chauffeurs en nous laissant confortablement assis dans l'habitacle et non pas découpés en rondelles dans le coffres ?

    Et c'est en prenant l'accent québécois que je conclurais donc, momentanément :
    - Ça a pas d'sens !

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...on en cause ?