29 avril 2012

Qu’est-ce qu’il fait beau, Lolita.

Était-ce une rêve ou pas ? Dur à savoir dans la micro-seconde du réveil. Ce temps minuscule qui condense tout une vie. Ce passage plus ou moins laborieux du rêve à la réalité où je reprends conscience de ma vie telle qu’elle est. Tous les matin, je nais, renais, encore et encore. Et à chaque fois depuis le début, j’espère, appelle, la souhaite cette renaissance, recommencer, à zéro, faire table rase, tableau propre, nouvelle route, écran blanc. Tout ça ne dure qu’un instant mais ça hurle, quelqu’un hurle en accouchant.
Allez, dis, c’était un rêve cette vie d’hier, ce coup-ci c'est la bonne !
Mais les yeux sont implacables, durs à montrer ce que je voudrais voir. Et ce tableau j’aurais préféré ne pas le voir, pendant de mon pot à crayon, une culotte blanche aux motifs de cerises.
Ah la finesse des marchands de culottes, une cerise, mais bien sûr...
- Chef, si on mettait des cerises sur la petite culotte blanche, vous savez, le modèle SOB69-a ?
- Punaise Denis, vous êtes un vrai pervers vous, j’aime beaucoup, faisons ça. Mais décrivez-moi quand même cette cerise en détail, ça m'intéresse.
- Ben, rouge, bien mûre, gorgée de soleil, prête à répandre tout son jus dans la première bouche qui la croquera.
- Oh, vous êtes un parfait fumier, parfait, je valide, lancez la production !

Et je me retrouve avec ce bout de tissu qui pendouille sur mon bureau, qui me susurre innocemment à l’oreille que oui, Lolita est passé par là, que je n’ai pas rêvé.
Elle me prend vraiment pour un jambon celle-là, un bien sec, bien salé, travaillé ce qu’il faut par le temps. Un de ceux qui font oublier les sucreries de la boulangerie pour l’étal du boucher. Je lui répète pourtant à loisir depuis qu’on s’est vus dans ce café où je ne mets jamais les pieds d’habitude, gamine, arrête de faire ta pisseuse, je t’apprendrais pas à dessiner un mouton et tu pourras t’accrocher pour me tondre la laine sur le dos, va finir ta marelle, macarelle !
Mais ça n’a pas loupé, elle s’est accrochée. Bon, soyons franc, j’avoue c’est flatteur. Même les vieux camionneurs sont sensibles à l’intérêt qu’on leur porte. Et Lolita, elle est assez maligne pour une étudiante, elle surveille la cuisson, me maintient juste à point. Je sais même plus comment je lui ai filé le double de l’appart rue de la gare ?
C’est clair que ça me ficherait un coup si rentrant de Bruxelles ou d’Istambul je ne trouvais pas une trace de son passage dans ma tanière. Mais une culotte, là elle pousse...
Ce qui m’étonne aussi c’est que je ne suis pas connu pour faire dans la dentelle, j’ai tendance a sortir le bazooka pour un oui pour un non. D’instinct, je monte d’un ton, j’abîme l’intervenant.
Mais elle passe entre mes colères et mes grognements comme un poisson pilote entre les fanons. Et elle adore en rajouter, me menacer en prétendant pouvoir venir me bouffer le cerveau pendant la sieste en passant par une de mes narines et ça me fait toujours marrer comme un con.
Lolita, petite souris, tu me fous en l’air tu sais ?
T’es sûre que j’ai pas rêvé ?
...Qu’est-ce qu’il fait beau, Lolita.

2 commentaires:

  1. Je reconnais bien là l'attirance de l'auteur pour les thèmes sulfureux et les scandales en puissance, enrobés de douceur et de volupté pour que ça passe sans dégâts. Un bien joli texte, Mr Normal.

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  2. Pas mal, Bran !
    (je peux t’appeler Bran ?)

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...on en cause ?